vendredi 8 décembre 2023

Cirkeln - The Primitive Covenant

True Cult Records

03/11/2023



S’il est difficile de faire le tri dans la pléthore de sorties qu’il y a chaque année au sein de la scène black metal, - encore qu’il est assez aisé de faire des choix en fonction de sa conscience -, il est  parfois incompréhensible de voir telles ou telles formations recevoir les feux des projecteurs, là où d’autres, bien plus méritantes, restent dans l’obscurité. Cirkeln est malheureusement un cas d’école, proposant de très bons albums dans une indifférence quasiment générale, mais sans doute est-ce aussi dû au fait que son leader ne partage pas des idéaux d’extrême droite, ce qui a l’air de limiter son exposition médiatique, tout du moins en France. La peinture du Canadien Ted Nasmith, qui représente Boromir faisant résonner son cor alors qu’il subit l’assaut des Uruk-Hai de Saroumane tentant d’enlever Merry et Pippin, nous laisse présager, une nouvelle fois, un contenu bien épique de la part de Cirkeln. Le projet de Våndarr nous avait déjà fort enthousiasmé l’an dernier avec son deuxième album A Song to Sorrow, un vibrant manifeste de black metal épique, déjà évoqué dans ces colonnes. Mais plutôt que de se reposer sur ses lauriers le Suédois à continuer un travail acharné pour donner naissance à ce nouvel album, The Primitive Covenant, qui est loin d’être une redite du précédent album. 


Il est bien évidemment question de black metal épique et mélodique sur cette réalisation, et en cela l’on reste dans la ligne directrice de A Song to Sorrow. L’on ressent bien l’influence d’un Bathory et de tout un pan de références de black metal de la sorte dans la musique proposée par Våndarr, et j’y vois pas mal de rapprochements avec Zemial, notamment celui de la période Face of the Conqueror et In Monumentum. Il va sans dire que ces huit titres sont truffés de riffs tranchants et épiques, de mélodies prenantes et enivrantes, de quelques arpèges pour aérer le propos, et avec, de temps à autres, quelques petites mélodies de claviers ou d’autres instruments, comme sur le final de The Death of Thy Father. En dehors de la reprise de The Leather Nun, les sept titres sont loin d’être linéaires, les passages plus véloces alternent souvent avec des passages plus mid-tempo, quand l’on ne temporise pas pour repartir de plus belle. Cela reste suffisamment fluide et il ne faut pas s’attendre à des changements intempestifs de tempi, même s’ils sont nombreux. Dans tous les cas, c’est suffisamment diversifié d’un titre à l’autre pour que l’on reste en alerte et que l’on ne s’ennuie aucunement à son écoute. En cela, les compositions aussi diverses soient-elles, sont très bien agencées et remarquablement écrites. C’est surtout le riffing du Suédois qui est à mettre à l’honneur: quelque soit la manière d’exécution, cela reste inspiré de bout en bout et il y a ce côté jouissif à se délecter de ses riffs sur chaque titre, de le voir les enchaîner, excellents sur excellents, sur chacune des compositions. Je pourrais citer The Witch Bell et ce long passage mid-tempo martial avant que cela ne reparte de plus belle avec le riff principal et où le Suédois éructe "No Gods, No Masters". Il n’y a peut-être rien de révolutionnaire ici, si ce n’est l’amour du metal comme il se doit et ce genre de cajoleries pour nos conduits auditifs dont on aime se délecter.


Si j’évoque l’amour du metal, je devrais préciser de l’amour du metal à l’ancienne, - et bien fait, mais cela va de soi -, qui est sans doute le fait saillant de cet album, et ce qui va le différencier de son prédécesseur. Il y a en effet sur The Primitive Covenant une saveur old-school qui nous renvoie bien aux prémices du black metal des années quatre vingt, ou, pour prendre une référence plus proche, à cette démarche opérée par Darkthrone depuis les années deux mille. C’est ce qui rend cet album, dans sa globalité, bien plus rentre dedans que son prédécesseur, avec notamment moult passages dans une veine black thrash metal, un titre comme Defiled and Satanized en constitue un bel exemple, mais un titre comme The Witch Bell donnait déjà le change, là où le titre d’ouverture restait plus conforme à ce que l’on retrouvait sur A Song to Sorrow. Ce penchant plus vintage n’en est pas moins régressif, car les compositions demeurent toujours aussi touffues, c’est juste que l’on a un côté plus incisif dans l’ensemble, auquel il faut aussi adjoindre à certains moments des influences plus heavy metal, mais dans le côté épique de la chose. C’est cette bivalence que l’on retrouve sur Defiled and Satanized avec notamment ce passage médian plus mélodique et nostalgique. L’aura d’un Bathory est évidemment présente, mais l’on ressent aussi pas mal l’influence d’un Hellhammer et d’un Celtic Frost sur cet album, notamment dans certains passages plus plombés, mais pas seulement. Dans ce côté quasiment hommage à ses influences, l’on a aussi quelques clins d’œil disséminés sur cet album, que ce soit à Darkthrone sur Awakened by Lost Arcane Premonitions, ou bien à Celtic Frost sur As I Lay Waiting, des emprunts qui font plaisir et mouche. Cette vibe old-school, on la ressent aussi dans ce chant black metal assez rêche, enfouis dans une réverbération à l’ancienne, qui donne ce cachet bien antique et tellement approprié. 


Pour autant, ce parti pris pour quelque chose de plus ancien n’entache en rien le caractère épique de la musique de Cirkeln: il l’aborde ici d’une autre manière, dans une veine plus traditionaliste, mêlant habillement passages acérés à ceux plus héroïques, tout en conservant une trame mélodique. C’est d’ailleurs cela qui va renforcer l’impact de The Primitive Covenant dans sa durée. Au-delà de ce petit côté régressif et tellement jouissif dans cet aspect plus vindicatif de sa musique, l’on a surtout ici des compositions bien loin d’être basiques, combinant bien les deux facettes mises en avant ici. Ces trois quart d’heure de black metal auront de quoi ravir tout amateur du genre, en plus de ne pas se fourvoyer à aucun moment dans la fange d’un point de vue idéologique. Il n’y a rien de nouveau ici, juste une volonté de bien faire, et même de très bien faire, de la part de Våndarr avec des compositions qui tiennent la route et une dévotion toute particulière au metal à l’ancienne, qui aurait pu en faire un parfait candidat au Band of the Week de Fenriz fut un temps. Dans tous les cas, Cirkeln fait partie de ces formations qui nous font encore croire au metal de nos jours, capable de proposer, une nouvelle fois, un excellent album avec cette nouvelle réalisation, l’une des plus remarquables pour cette année deux mille vingt trois, à mon humble avis. Pour les amateurs de formats analogiques, il est à noter que le fort recommandable label True Cult Recors a édité cet album en cassette et dans un très beau vinyle de couleur verte. 


A.Cieri


https://cirkeln.bandcamp.com/album/the-primitive-covenant


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Anohni and the Johnsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

Rough Trade/Secretly Canadian 07/07/2023 Anohni avait déjà brisé sa coquille sur Hoplesseness paru 7 ans plus tôt. Sans les Johnsons mais ...