mercredi 23 août 2023

Static Abyss - Aborted from Reality

Peaceville records

30/06/2023




Le disque qui a créé chez moi une rechute sévère dans le death metal cet été. Certains diront qu'il m'en fallait peu, cet album étant considéré ici où là comme un sous-Autopsy, exutoire de deux de ses membres ne sachant que faire de leurs brouillons.

Mais voilà, Static Abyss m'a rappelé la beauté du death metal. Le diable et les détails se trouvent dans ces notes qui durent un peu plus longtemps que d'habitude, cette basse qui clapote, ce râle qui se libère et plonge plus d'une fois dans la contemplation béate de cet outre-monde dessiné à quatre mains et une voix - et pas n'importe lesquelles puisque l'on parle de monsieur Abscess (bien meilleur sur la longueur qu'Autopsy mais c'est un autre sujet) et monsieur Brainoil et Laudanum (qui a la science de lovecrafter ce qu'il touche, cf. The Coronation)... Non pas la menace d'un univers macabre mais sa poésie à lui, gluante, aveuglante (la pochette à elle seule titille l'imagination), impassible, avançant avec la sérénité de celui qui a toujours été là et sera toujours là.

C'est peu mais, dans ce death doom punk qui a déjà tant roulé dans le scabreux, le gore et le fantastique, c'est le pas qu'il fallait faire, loin de toute frime, toute volonté d'agression (elle arrive presque par hasard et te roule sur la gueule sans te prêter attention) mais avec une certaine émotion,  presque emphatique pour ces couleurs tombées du ciel.

C'est étrangement beau, donc. Une phrase qui va bien au death metal et son trop-plein de vie qui remugle, brise les murs de la réalité et s'étend comme on se jette dans son lit... Quand les choses sont bien faites. Elles le sont ici.


Cripure 


Lien bandcamp : https://peaceville.bandcamp.com/album/aborted-from-reality

jeudi 17 août 2023

Wytch Hazel - IV : Sacrament

Bad Omen Records

02/06/2023




Un nouvel album de Wytch Hazel, un peu plus de deux ans et demi après la sortie de l’excellent III: Pentecost, voilà bien une nouvelle qui pouvait me réjouir. Les Lancastriens font parti de mes chouchous depuis la sortie de leur premier album, Prelude, en deux mille seize. Et c’est avec une certaine joie que j’ai suivi les pérégrinations de nos quatre chevaliers depuis lors, avec des albums de grande qualité. Et pourtant, ce n’est guère ce même enthousiasme qui m’a envahi pour la sortie de ce quatrième album. La faute peut-être à un trop grand nombre d’extraits, trois pour être précis pour dix titres au final, dévoilés en amont de la sortie de cet album, - mais l’on ne peut pas trop passer outre les us et coutumes du marketing désormais -, et un storytelling un peu trop léché à mon goût. Ce n’est pas un procès d’intention que je fais, chaque groupe doit user de ses moyens pour se démarquer et faire parler de lui pour espérer diffuser sa musique, ce d’autant lorsqu’elle est de qualité. Oui, mais voilà, j’avais l’impression de connaître l’album avant même de l’avoir écouté, et cela entache un peu la découverte de l’œuvre dans son entièreté, surtout lorsque l’on connait le soin qu’apporte le sieur Colin Hendra à sa musique. En soit, je commence à préférer des formations qui annoncent au dernier moment la sortie d’un album, sans faire tout un tintamarre, à l’instar d’un Urfaust très récemment. Est-ce une raison valable pour rejeter un tel album? Bien entendu que non, même si je dois avouer que les toutes premières écoutes de cette nouvelle réalisation m’avaient clairement laissé sur ma faim, une grande première pour ce qui concerne ma relation avec Wytch Hazel. 


En effet, de primes abords, ce qui m’a sauté aux oreilles, c’est cette sensation de retrouver un Wytch Hazel ultra balisé et qui n’a pas trop évolué, là où l’on pouvait trouver un gap qualitatif entre le deuxième et le troisième album. En même temps, qu’attendre d’un groupe tel que Wytch Hazel d’évoluer entre deux albums et de sortir de son style unique et tellement ancré dans une double tradition, entre ce côté folk chevaleresque et ce heavy metal traditionnel teinté d’héroïsme? Bien évidemment, l’on retrouve ici un Wytch Hazel comme on l’a toujours connu ou presque, avec ce heavy metal pas foncièrement violent mais qui rappelle tout autant les premiers groupes de New Wave of British Heavy Metal, avec une dynamique semblable aux tous premiers Iron Maiden, le côté urbain en moins, ou à Angel Witch, le côté satanique en moins. À cela vous ajoutez une petite touche folklorique, moins mise en avant mais encore bien présente sur le très beau Futur Is Gold et sur Endless Battle, qui donne forcément ce cachet tellement médiéval à leur musique, faisant du quatuor des sortes de troubadours des temps modernes, ce que confirment leurs tenues de scène. Et puis, pour parfaire cette description, et c’est cet élément qui m’a charmé dès le départ, c’est cette filiation avec Thin Lizzy, - et meilleur serait le monde s’il écoutait plus souvent Thin Lizzy -, avec ce côté rock bien dynamique, et, évidemment, ces leads harmonisées, qui seront toujours pour moi une sorte de cajolerie pour les oreilles. L’on retrouve bien tout ceci sur ce nouvel album, pas de surprises ni de déception quant à ce chapitre là. À cela l’on doit aussi ajouter ce chant unique et fier, mais empli d’émotions de Colin Hendra, toujours aussi impeccable et même noble, d'une certaine manière, dans son interprétation. 


Un leader qui a toujours ce feu sacré et qui a décidé cette fois-ci de jouer sur quelque chose de plus dynamique et peut-être de moins touffu que sur son prédécesseur, où moult lignes de guitares se superposaient. Attention toutefois à ne pas croire que ceci a été bâclé et que la production puisse en pâtir. L’on ressent toujours à l’écoute de ces titres d’un autre âge ce cachet hérité des années quatre vingt dix et de la décennie précédente, avec un son très propre et puissant, mais surtout un grain de guitare très reconnaissable et surtout très agréable. Si l’on devait faire une comparaison avec son prédécesseur, l’on pourra affirmer que cet album ci est sans doute bien moins spirituel que son prédécesseur et met plus en avant une touche conquérante, pour ne pas dire épique, avec toujours ces thématiques très chrétiennes mises en avant, cela fait partie du charme et du cachet des Anglais. Ne vous attendez pas à de longues cavalcades sur cet album, l’on reste dans quelque chose de très calibré, n’excédante que rarement les quatre minutes. Pour autant, l’on est loin d’avoir des titres minimalistes, il y a toujours des ponts et des passages plus nuancés pour couper le schéma couplet - refrain que le groupe nous propose. En cela, l’on aurait pu croire que l’on aurait un album assez direct et facilement assimilable vu ce que j’ai énoncé plus haut. C’est en partie vrai, mais je trouve que c’est album prend son temps pour dévoiler ses facettes et ses charmes. Et s’il n’y a peut-être pas de gros tubes immédiats, - encore que Angel of Light répond à ces critères -, il y a dix titres assez solides qui deviennent de plus en plus entêtants au fil des écoutes, à l’instar d’un Deliver Us, - bien que ce titre donne cruellement envie d’écouter Warlord -. Oui, ce Sacrament a un côté grower assez inattendu, et c’est vraiment ce qui fait son charme, avec notamment un excellent enchaînement sur les quatre derniers titres, sans doute ceux où l’émotion et la nostalgie sont les plus mis en exergue.


Ce n’est donc pas avec ce quatrième album que les Anglais vont me décevoir, ils auront mis un peu plus de temps pour me convaincre, mais je trouve très bien d’avoir un album qui se mérite, qui ne se dévoile pas facilement et qui demande à être découvert, un peu à l’ancienne, à une période où la musique devient quelque chose de jetable, - mais c’est là un autre débat. Oui, Wytch Hazel vont demeurer encore pour un bon moment mes chouchous avec leur heavy metal chevaleresque, qui, s’il reprend des codes et des dogmes maintes fois éculés, gardent une réelle pertinence. Et c’est même rassurant de retrouver les Anglais avec autant de brillance et d’envie, à tel point que l’on se laisse, une fois encore, prendre au jeu de cette musique quasiment intemporelle, mais tout autant chatoyante qu’enivrante. 


https://wytchhazel.bandcamp.com/album/iv-sacrament


A.Cieri

dimanche 6 août 2023

Paradise Lost - Shades of God

Music For Nations

14/07/1992




Shades of God, où l’album qui ne ressemble à nul autre dans la discographie de Paradise Lost, - à part peut-être, dans l’histoire récente du groupe et à bien des égards, Medusa, mais c’est là une autre histoire. Encore que l’on pourrait difficilement dire que les quatre premiers albums du groupe se ressemblent les uns aux autres, entre un Lost Paradise séminal à plus d’un titre, un Gothic qui fit œuvre d’ouverture pour tant de choses et un Icon qui allait mettre en avant les aspects plus mélodiques de la formation. Oui, mais voilà, celui-ci ne ressemble en rien à ce qui existait avant et ce qui existera par la suite pour les Anglais, mais peut-être pas seulement, car des albums tels quels, il n’y en a guère. Shades of God a cette saveur unique d’un album qui ne sait pas s’il doit choisir entre le doom death metal antique, le doom metal traditionnel, avec de grosses lampées de Trouble pour assaisonner tout cela, et quelques petites touches gothiques de ci, de là, même si elles sont moins proéminentes ici, à l’exception, bien évidemment, d’un As I Die, pour nous rappeler que l’amour de Milton n’est pas surfait ici. 


Mais comment donc qualifier cet album? Aventureux? Il l’est à bien des égards, notamment dans cette complexification des compositions, qui n’entrent pas toutes dans les mêmes schémas. L’on prend le temps ici de tisser des structures un peu plus tortueuses, avec breaks et contre-breaks, accélérations et ralentissements, sans oublier d’inclure, de temps à autres, des intermèdes acoustiques, rendant tout ceci à la fois plus suffocant et en même temps plus profond. L’on n’aura jamais connu Paradise Lost aussi étoffé dans sa manière d’écrire, laissant souvent la musique prendre le devant en laissant le chant de côté, pour autant de moments où la pesanteur du propos va être mise en exergue, quand ce n’est pas une facette plus intimiste. Écoutez Daylight Torn et sa construction admirable pour vous en rendre compte et se dire que voilà bien un titre que Mikael Åkerfeldt aurait tant aimé avoir écrit, sauf qu’il n’aura jamais ni le talent et ni la classe d’un Gregor Mackintosh et encore moins la faculté à faire passer des sentiments dépressifs et mortuaires dans ses growls, à contrario d’un Nick Holmes, - ce qui tend d’ailleurs à clore les débats sur Bloodbath. 


Automnal? Il y a de cela, aussi bien dans cette teinte cramoisie et froide qui se dégage des neuf titres, à la beauté froide, mais parfois hirsute, comme quelque chose qui fuit un peu la lumière et qui se prépare à la désolation des longues nuits d’hiver à venir. Il y a effectivement cet aspect du temps qui passe, inéluctable et tellement inexorable, amenant un peu plus à chaque instant vers la fatalité ultime. Sans doute n’est-ce pas pour rien que As I Die vient clôturer tout ceci. L’on ressent bien, à de nombreux instants, ces bouffées d’émotions qui prennent aux tripes avec ce ressentiment d’avoir brûlé une part de son existence et de se morfondre en regrets. Comment ne pas rester insensibles à ces coulées de tristesse émanant de ces leads majestueuses ou de ces arpèges qui apparaissent de manière fugace de temps à autres. L’on n’a pas ici le poignet folk et sensible des contes d’été, mais bien ce spleen authentiquement anglais, tout autant classe que dans la retenue, car l’on sait garder une part d’austérité, même lorsque l’on se met à nu. Mais pour autant, l’on passe souvent du jaune décrépit des feuilles à quelque chose de plus rubescent, lors de ces instants où une forme de rage, mais de celle qui précède le plus souvent le renoncement, vient poindre, comme sur Crying For Eternity et surtout sur Pity the Sadness - avec les frissons qui viennent vous couvrir l'échine dès cette introduction et ses « Morning » tellement libérateurs. 


Forestier? C’est là une teinte que l’on n’a point souvent rencontrée chez Paradise Lost. Et pourtant, c’est bien l’album qui sent tout autant l’humus que l’envie de se réfugier dans les profondeurs d’une forêt pour s’y recueillir, se recentrer sur ses douleurs et accepter sa simple condition d’homme, où toutes les senteurs vivaces sont aiguisées par la pluie qui vient de tomber, accentuant la décomposition des éléments. Mais cette forêt a quelque chose de sauvage et de non apprivoisée. Elle nécessite de prendre de nombreux chemins de traverse pour être découverte et il ne faudra pas avoir peur de se frotter aux ronces, ou bien de manquer de tomber au sol en s’étant pris les pieds dans des racines ensauvagées. C’est un long chemin de croix que nous avons ici mais l’on préfère s’abriter sous la pénombre de pins faussement alignés plutôt que de rechercher la lumière réconfortante et chaleureuse. En cela, l’on n’est pas si loin de cela de la forêt de l’équilibre et de ses psaumes proférés quelques mois auparavant par leurs compatriotes. L’on y retrouve un petit peu de ce même pessimisme et de cette même noirceur, même si, ici, les teintes ne seront pas les mêmes, et, évidemment toute forme de monolithisme et d’extrême lenteur sont absents. Mais pourtant, ce sont bien des sentiers assez similaires que l’on franchira ici, mais avec une autre forme de poésie.


Indispensable? C’est réellement là tout le bien fondé de ce Shades of God. Des ombres divines qui sont capables d’obscurcirent les journées les plus ensoleillées et d’apporter un voile d’obsidienne à toute lueur d’espoir. Car il y a ici cette essence même de ce qu’est le doom metal dans son acception la plus générale: cette musique des damnés de la terre, du jugement dernier, capable de mettre des mots et des notes sur les maux de cette humanité vouée au jugement dernier. C’est en tout cas l’album le plus doom metal de Paradise Lost, celui où l’on sent bien cette filiation entre ce pessimisme tout britannique, partagé avec bon nombre de ses contemporains, et ce côté désespéré tout autant hérité de The Skull de Trouble que d'un Candlemass dans ses moments les plus désolés. Pas aussi emblématique que d’autres éléments de sa riche discographie, il mérite pour autant une pleine et grande attention et reste toujours aussi pertinent malgré les décennies écoulées depuis sa sortie. Aussi, aurais-je pu le qualifier d’intemporel, de boisé, d’hirsute, s’il m’avait fallu le résumer en trois mots, évoquer la trame tragique qui l’anime et lui accoler le terme de classique pour encore mieux le définir. Mais je préfère garder en mémoire son authenticité et ses nombreux sombres mystères qu'il recèle et qui me fascinent toujours autant. 


A.Cieri

Anohni and the Johnsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

Rough Trade/Secretly Canadian 07/07/2023 Anohni avait déjà brisé sa coquille sur Hoplesseness paru 7 ans plus tôt. Sans les Johnsons mais ...