mardi 28 février 2023

Host - IX

Nuclear Blast Records

24/02/2023


C’est l’histoire d’une amitié entre deux hommes qui débuta au milieu des années mille neuf cent quatre vingt, mue par les mêmes passions musicales, et qui perdure encore une quarantaine d’années plus tard. Une amitié qui les a vu fonder un groupe séminal, puisque géniteur du doom death metal avec leur premier album, et qui n’a eu de cesse d’évoluer au fil des années, sachant aller de l’avant tout en se mettant à dos une bonne partie de son public, notamment avec un certain album sorti en mille neuf cent quatre vingt dix neuf: Host. Ils sont peu à peu revenus à leurs amours de jeunesse, se sont faits quelques incartades chacun de leur côté, avec Vallenfyre puis Strigoi pour l’un, avec Bloodbath pour l’autre. Mais rien n’a entaché la créativité de ce binôme, l’album Obsidian parle de lui même dans cette catégorie. L’on parle bien évidemment ici de Nick Holmes et de Greg Mackintosh. Et Host est leur nouveau projet, présenté avec un savant teasing à partir de l’automne dernier, qui avait de quoi intriguer avant que le premier titre ne soit dévoilé. 

L’on sent que les deux musiciens ont désormais envie d’embrasser pleinement toutes leurs influences, leur facette gothique ayant été mise un peu plus en avant sur le dernier album de Paradise Lost. Mais sans doute désireux de ne pas s’aliéner une partie de leur fanbase, - encore que cette dernière doit sans doute être plus ouverte qu’il y un quart de siècle -, les deux musiciens se sont lancés dans cette nouvelle aventure musicale. La référence à l’album honni par un grand nombre n’est pas à négliger. L’on retrouve ce côté synth-pop et darkwave, très proche d’un Depeche Mode, sur cette réalisation et cette ambiance à la fois froide et déprimée se rapproche de celle que l’on rencontrait à l’époque de Host. Mais ce IX n’a rien d’une redite, bien que les similitudes soient nombreuses, que ce soit dans la manière d’arranger les compositions, l’utilisation de beaucoup de nappes de claviers, quelques loops et d’autres effets: à écouter au casque c’est un vrai bonheur, et l’on se rend compte du travail accompli, sérieux et inventif. Pour autant, si le côté synthétique et un peu mécanique ressort de ces neuf titres, il y a tout de même un soin apporté aux instruments plus traditionnels que sont guitares et basses, cette dernière étant assez mise en avant par le mixage, et même une batterie acoustique sur trois titres. Quelque chose qui nous donne bien un pied d’attache avec leur principal projet: il n’est pas rare de retrouver ici quelques arpèges, là quelques leads et soli, et évidemment quelques riffs en power chord, même si l’on n’est pas du tout dans une exubérance toute métallique. 

Si tout ceci est bien arrangé et bien construit, c’est l’inspiration du duo, et notamment du musicien en chef qu’est Mackintosh, qui va ravir tout le monde. C’est évidemment très inspiré, parfois audacieux, mais l’on reconnait bien tout le génie du duo sur ces neuf titres, et l’on est parfois proche de la période plus gothique de Paradise Lost, celle allant de One Second à Symbol of Life. Si un Tomorrow’s Sky avec son côté plus relevé et plus «dansant », nous renvoie clairement aux années quatre vingt, la majorité des titres conserve une saveur à la fois désenchantée et mélancolique. Comme quelque chose qui sonne parfois daté, mais tellement actuel dans son rendu, et le pessimisme que l’on peut ressentir de nos jours, quelque chose que parviennent à bien exprimer ces neuf titres. Il y a ici une poésie nocturne qui se développe doucement depuis Wretched jusqu’à la conclusion de Instinct, et qui vous happe, sans vous lâcher, s’agrippe à vous pour vous emmener dans ces contrées nocturnes et blafardes, au son de mélodies imparables et touchantes. Cela ne respire par la joie, évidemment, et le chant tout en retenue, mais très classe, de Nick Holmes nous rend témoins d’un monde qui n’en finit par de se ternir devant nos yeux. Les images de grisaille, de ciel pluvieux arrosant des buildings d’une grande cité anglaise où l’on peut errer sans fin, indifférent à tout, si ce n’est qu’à son propre spleen, viennent facilement à l’esprit. Si les arrangements et le travail de superposition nous englobent assez rapidement, il y a paradoxalement quelque chose d’assez sobre dans cette musique qui sait toucher au plus profond de soi, pour peu que l’on ne soit pas hermétique à cette œuvre.

Ce premier album d’Host est une réussite, il n’y a pas d’autres mots qui puisse venir à l’esprit, et c’est assez fou de se dire que le talent et la classe de nos deux Anglais sont toujours de mises ici. C’est, trouvé-je, pertinent d’avoir choisi de remettre en avant cette facette de leur musique et de leur personnalité, tout en conservant leurs qualités. Il n’a rien de surfait ici, ni de calculé, juste cette propension à éclabousser le monde de son talent et de sa classe, sans trop d’artifices, en, proposant neuf titres homogènes, dont la beauté glacée ne cesse d’épater au grès des écoutes. 

A.Cieri

Lien Youtube : https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nGMpq4f4pvR4DYVbI1gb3eDMDquSufzbs


lundi 27 février 2023

Fvnerals - Let the Earth Be Silent

Prophecy Productions

03/02/2023


"Enter the void" ou "Under the skin" ? L'envie est forte de faire des liens cinématographiques avec cet album, la première référence pour son titre, la seconde pour cette mélasse dans laquelle une femme extraterrestre nous plonge. La pochette encline même à se poser sur cette dernière image, on ne peut plus appropriée pour définir ce qu'elle illustre - une humanité recroquevillée, entourée d'un noir prêt à l'engouffrer.

Mais fi de ponts extérieurs, avec lesquels Fvnerals a coupé dès ses débuts dans son mélange doom, post rock, ambient et shoegaze qui ne tient debout que par sa vision unique. Volute plutôt que forme, atmosphère plutôt que personnification, l'air devient tout entier spectre ici. Cela était déjà le cas dans les œuvres précédentes, là s'ajoute suffisamment de matière, impalpable mais grattant les bronches quand elle s'infiltre en nous, ainsi qu'une majesté permettant de donner plus de netteté, d'ampleur, à l'oppression. Le projet a toujours présenté le mal qui vient, lointain, voyeur, puis plus proche, louvoyant autour de nous... 

Il n'a jamais été aussi prêt de nous assaillir que sur ce nouvel album.

Cripure

Lien Bandcamp : Let the Earth Be Silent | FVNERALS (bandcamp.com)


dimanche 26 février 2023

Daeva - Through Sheer Will and Black Magic

 20 Buck Spin

14/10/2022



« Le hasard fait bien les choses ». Il suffit qu’un vinyle vous passe entre less mains pour replonger avec délice dans votre passion et votre soif de découverte. Cela a été le cas l’an dernier avec le premier album de Daeva – grâce au magnifique artwork réalisé par Karmazid – sorti sur le label américain 20 Buck Spin (cf. Obsequiae, Hulder ou encore Ulthar). La formation originaire de Philadelphie avaient pourtant réalisée un EP en 2017 toujours via 20 Buck Spin. Ce dernier était néanmoins plus classique dans sa forme, un peu « limité » aussi. Quelques années séparent le court du long format, le temps de mûrir davantage le projet ; le temps aussi de remanier quelque peu le line-up. Le trio se transforme en quatuor avec l’arrivée du bassiste Frank Chin. Enrique Sagarnaga, quant à lui, remplace JB derrière les fûts. Ces deux derniers sont loin d’être des novices et/ou des inconnus, jouant dans divers groupes, dont l’excellent Crypt Sermon – tout comme un des membres fondateurs de Daeva, Steve Jansson. Tiens, tiens !

En résulte ? Une cavalcade infernale. Une énergie pure et débridée qui vous percute de plein fouet et vous maintient hors d’haleine durant plus d’une demi-heure. Through Sheer Will and Black Magic est paradoxalement une bourrasque vivifiante et une sorte d’hommage à la scène metal des années 80 (le lien se fait avec les premiers méfaits de Bathory ou encore Tormentor, pour ne citer qu’eux). Gardant son essence Black/Thrash, Daeva fait évoluer sa musique et hausse son niveau de jeu. L’ensemble est moins bas du front, le frein un peu mis su le tchouka-tchouka. Les ambiances maléfiques (l’introduction instrumentale) prennent de l‘ampleur et les variations de rythmes sont plus nombreuses – comme ses parties black mid tempos entêtants à souhait (cf. « Loosen the Tongue of the Dead »). Guidé par Lucifer, Edward Gonet avec sa voix bardée de reverb reste animé d’un feu dévorant. Il éructe ses textes avec ferveur, semblant vouloir vous amener à sa suite dans les Enfers comme sur le brûlot « The Architect and the Monument ».

«Surging subterranean might
Melting the expandable flock of Christ »

Les cris et les plaintes se répercutent dans les profondeurs tout comme ses vocaux plus black perçu de temps à autre (notamment à l’écoute du très dark « Passion Under the Hammer »). La grande richesse de tons, de styles est indubitablement la première qualité de ce premier album des Américains même si, à priori, cela n’a pas été fait par choix (plus dû à un certains laps de temps écoulé entre l’écriture de certains titres avec d’autres). Tout est là, parfaitement imbriqué, de l’outro irréelle fleurant le soufre du morceau sus-cité aux parties thrash survoltées comme sur le terrible « Fragmenting in Ritual Splendor » (où vous ressentez toute la passion des musiciens pour Dark Angel ou Sodom), le quatuor déroule sans forcer pour ne laisser que le chaos. Impossible de vous détournez ou d’imaginer une autre voie car les riffs evil as fuck et jouissifs au possible vous entraînent par le fond. Quelle accroche, quelle puissance ! Steve Jansson s’est surpassé ici et ne vous laisse aucun répit entre les riffs ultra nerveux (« Luciferian Return »), les mélodies incisives du très fédérateur « Arena at Dis » et les envolées fantastiques (le meilleur exemple étant « Fragmenting in Ritual Splendor », encore lui!).

Vous restez là, ensorcelé par les sonorités addictives, drapé d’émanations cadavériques et entouré de créatures monstrueuses à la Hieronymus Bosch. Là est tout le pouvoir de Through Sheer Will and Black Magic, à la fois flamboyant et personnel. Daeva a sorti son marteau et a frappé un grand coup avec ce premier album – se hissant parmi les sorties les plus notables de l’année 2022.

Hail Satan !

Längäste

Lien Bandcamp : 
Through Sheer Will And Black Magic... | Daeva | 20 Buck Spin

Anohni and the Johnsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

Rough Trade/Secretly Canadian 07/07/2023 Anohni avait déjà brisé sa coquille sur Hoplesseness paru 7 ans plus tôt. Sans les Johnsons mais ...