samedi 8 avril 2023

Dawn Ray'd - To Know the Light

Prosthetic Records

24/03/2023



Il y a quelque chose d’un peu prophétique dans le titre de ce troisième album de Dawn Ray’d, « To Know the Light », en ces temps incertains où l’obscurité, le désespoir et la peur de lendemains horribles prennent le dessus, où, surtout, les signes d’une période pré-fasciste sont de plus en plus probants. Lorsque chaque journée passée nous amène à déchanter quant à un avenir serein, à avoir la boule au ventre devant autant de signes eschatologiques et à ne connaître que des angoisses devant tout ceci. Connaître la lumière, c’est se remémorer ces moments de bonheur et de sagesse passés, c’est entretenir l’espoir, aussi fébrile puisse-t’il être, dans un avenir meilleur, et c’est aussi préparer les futurs brasiers de la révolte de ceux qui ne sont rien sur cette terre. C’est bien ici toute la trame de ce To Know the Light, après un Wild Fire sortit il y a deux ans et déjà annonciateur de cette flammèche qui ne demande qu’à s’embraser.


Jusqu’alors, Dawn Ray’d nous avait habitué sur ses précédentes oeuvres à délivrer son message anticapitaliste et antifasciste de manière imagée et un peu plus impersonnelle sur la base d’un black metal aux relents médiévaux, qui se rapprochaient assez grandement des vieux Abigor. Les Anglais ont d’ailleurs pour originalité d’avoir en la personne de Simon Barr un chanteur et également violoniste, son instrument intervenant fréquemment sur les compositions du trio. L’on retrouve ce violon assez fréquemment ici apportant ainsi cette touche à la fois folklorique et nostalgique au black metal des Liverpuldiens. Évidemment, la personnalité de Dawn Ray’d s’exprime ici en territoires connus, avec cette facette mélodique et incisive qui le caractérise bien. Le groupe sait toujours être autant abrasif et direct, que ce soit sur The Battle of Sudden Flame, Inferno, WIld Fire ou sur un Sepulcher (Don’t Vote), où l’ambiance y est plus incendiaire et furieuse que jamais. Le dernier titre cité voit aussi quelques petites nouveautés avec l’apparition de quelques growls, venant trancher avec le chant black metal et bien écorché de Simon Barr. Pour autant, l’on a un groupe qui a su garder une réelle inspiration et qui a su étoffer ses titres avec différents éléments, ce qui fait que l’on a assez rarement de titres qui foncent tête baissée. Les moments intenses alternent ici assez souvent avec d’autres éléments plus nuancés, voire intimistes, ce qui met encore plus en exergue la furie que dégagent les moments les plus intenses et véloces, les meilleurs exemple étant sans doute Ancient Light et Go As Free Companions. 


Si l’on reconnait Dawn Ray’d et ses particularités d’emblée, l’on notera aussi que le groupe n’a guère envie de faire du surplace et incorpore quelques nouveaux éléments dans sa musique, sans toutefois dénaturer son propos. C’est aussi cela qui surprend, positivement, sur cet album et en renforce même son impact. J’en veux pour preuve ce passage grind sur les dernières secondes de Cruel Optimisms alors que ses premières minutes étaient clairement nostalgiques avec ses guitares acoustiques et son violon. L’on a aussi quelque chose de plus tortueux et bourbeux sur In the Shadow of the Past, au rythme plus lent et à la lourdeur accrue par rapport au reste des compositions, avant que tout le monde se mette en branle et reparte vers quelque chose de plus incisif, pour un final tout en finesse et nostalgie. C’est dans ces moments là que l’on ressent bien toute la maturité du trio, qui a pris le temps de peaufiner ses compositions et de laisser libre court à sa créativité. Mais c’est aussi dans ces titres, mais pas seulement, que l’on ressent un message tantôt teinté de pessimisme, tantôt emprunt de nostalgie. L’écriture des paroles a aussi évolué, dépeignant notre monde actuel et dénonçant aussi bien les violences policières, le système carcéral, l’avancée du fascisme, et notamment au sein du black metal, l’appauvrissement des masses et leur enfermement dans le désespoir au bénéfice de quelques personnes.


C’est dans cette optique dénonciatrice que l’on a aussi une autre facette du groupe qui est bien mise en exergue sur cette réalisation, celle des protest songs, où les éléments folkloriques sont mis en avant. Il y a un peu de cela dans Cruel Optimisms, mais c’est éloquent sur Freedom In Retrograde, très belle pièce acoustique, très touchante et sans doute l’une des premières où l’on y retrouve un peu d’espoir: "Though I have this creeping feeling that the dark is closing in, I still will fight for freedom for every living thing. If you still sing, then I’ll still sing ". Comment ne pas faire un parallèle avec ce que nous vivons actuellement, une telle acuité est réellement à souligner. L’autre belle surprise provient du titre Requital, chanté a cappella par les trois musiciens et renouant avec cette tradition de chansons de révolte, tout autant héritée du Moyen-Âge que des luttes ouvrières du dix-neuvième siècle. Les choeurs prennent d’ailleurs une grande place sur cet album, je pense à ceux présents sur Inferno, ou ceux sur le final de Wild Fire, dans une nouvelle version qui reprend le final de la version acoustique du mini sorti il y a deux ans. Dans tous les cas, ces chœurs et ce chant clair de Simon rend la chose encore plus poignante.


Comme pour parfaire cette image de témoins de notre monde, l’on sent bien une progression des sentiments et des ressentis que procurent ces dix titres au fur et à mesure que l’on avance dans cet album. L’on part ainsi sur une impression très noire et très pessimiste, voire même nihiliste, avec pour pinacle Inferno, - nous faisant remarquer que l’enfer est clairement bien réel et sur terre et non dans quelques imaginaires -, puis l’on poursuit avec quelque chose de plus contemporain, aussi bien dans le fond que dans la forme, avant de renouer, sur le triptyque final, vers quelque chose de plus révolté, de quoi nourrir les flammes de l’insurrection qui vient. Comment dire que ce To Know the Light réussit tout autant le pari d’être une réussite artistique et une belle évolution chez Dawn Ray’d, que celui d’être la parfaite bande son de cette année deux mille vingt trois, et plus particulièrement pour ce nous vivons dans le pays dit des droits des humains ? En tout cas, il m’est impossible de me détacher de cet album depuis sa sortie, d’y revenir sans cesse car il fait tout autant du bien qu’il me noue l’estomac par ses messages et sa musique, même si ses éléments les plus noirs donnent clairement du grain à moudre pour déverser rage et colère à la face des un pour-cent.


"The sun still shines,

And it would be a waste

To not only lose tomorrow

But also lose today".



https://dawnrayd.bandcamp.com/album/to-know-the-light



A.Cieri


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