vendredi 14 avril 2023

Cirkeln - A Song To Sorrow

True Cult Records

25/03/2022





La peinture de Roger Garland, intitulée The Gates of Morn, - dépeignant l’entrée du soleil par l’Est, dans le monde, après avoir traversé le Grand Vide, selon les écrits de Tolkien - et utilisée pour ce deuxième album de Cirkeln laissait présager quelque chose d’épique. Ce n’est pas le premier groupe à utiliser une peinture de cet artiste, puisque le grand Summoning l’avait déjà fait, et c’était déjà le cas sur le premier album Kingdoms That No One Remembers. Ces trois quart d’heures de musique confirmeront amplement cette impression et laisseront porter votre imaginaire vers d’autres mondes. Formée en deux mille dix neuf et comptant déjà un EP et deux albums, Cirkeln nous vient de Suède et est le projet de Våndarr, qui, malgré les embuches, parvient à poursuivre sa voie. En effet, cet album n’aurait jamais pu voir le jour en raison de l’apolitisme et de la neutralité du précédent label du projet, plus prompt à dégager de son roster un musicien ayant des convictions bien ancrées dans l’antifascisme et qui avait eu le toupet de partager un extrait de cet album sur le canal Antifascist Black Metal durant l’été deux mille vingt et un. Voici un bel exemple de ce qu’est réellement l’apolitisme de la scène metal et de ses acteurs, plus enclins à se voiler la face devant certaines dérives, à laisser l’intolérable infiltrer la scène métallique et à condamner celles et ceux qui luttent contre cela. Fort heureusement, Cirkeln a trouvé refuge chez l’excellent label True Cult Records.


Il aurait été criminel de ne pas profiter de ce second album, A Song To Sorrow, tant le potentiel dévoilé précédemment s’est ici affirmé de belle manière. Si l’on vous parle de black metal épique pratiqué par un one man band en provenance de Suède, il y a fort à parier qu’un nom va être dans tous les esprits: Bathory, et plus précisément sa période viking. L’on ne peut nier qu’il y a de cette influence chez Cirkeln, notamment dans cet aspect épique, dans l’utilisation de claviers donnant une emphase héroïque à sa musique, et dans les passages au chant clair ou avec des chœurs plus guerriers. Cela s’entend aussi dans ce chant black metal bien écorché avec pas mal de réverbération, mais qui me fait aussi penser au Zemial de In Monumentum Mais plutôt que de délivrer un message ambigüe sur la fierté d’être un descendant des vikings, l’on a ici des textes plus métaphoriques renvoyant à l’heroic fantasy. C’est en tout cas quelque chose que l’on ressent sur des titres comme The March ou Thine Winter Realm Enthoned. Encore que ce sur ce dernier, les claviers nous rappellent beaucoup Summoning, à l’instar de ceux sur Natassja, et l’on se laisse facilement aller à rêver d’aventures dans la Terre du Milieu. Mais pour autant, ce n’est pas la seule influence qui est saillante chez Cirkeln et notamment sur cette réalisation. En effet, et c’est assurément cela qui rend cette réalisation encore plus intéressante, c’est que le Suédois nous donne ici une belle forme de syncrétisme de ses influences provenant du black metal des années mille neuf cent quatre vingt dix, qui sont ici bien digérées.


L’origine géographique du projet va d’ailleurs se ressentir sur ce côté black death metal suédois, dans ce qu’il de plus épique: les passages bien acérés et très mélodiques retrouvés sur une bonne part des titres nous renvoient tantôt à Dissection, notamment quand une certaine noirceur prend le devant, tantôt à Dawn et Vinterland, quand l’accent est porté sur le côté purement homérique de la chose. C’est assez flagrant sur le titre éponyme et sur Vaults Behind Vaults. Mais Våndarr ne s’est nullement fixé de frontières et il s’est également inspiré de quelques formations norvégiennes, car je ne peux m’empêcher de penser à la seconde période d’Immortal lors de nombreux passages mid-tempo, accouplés à des paroles assez axées sur l’obscurité du nord. Et il est ardu de ne pas penser à Isengard ou à Storm sur le titre Vandraren, au chant viking plus Fenriz que jamais. C’est là un aspect bienvenu car il renforce ce côté "nordique" de la musique de Cirkeln, et où l’on sent aussi une volonté de se ré-approprier certains codes pour en faire quelque chose de tout aussi noir mais sans le côté nauséabond. Évidemment, c’est bien beau d’avoir de telles influences, mais cela passe bien mieux lorsque l’inspiration est au rendez-vous. Et l’on peut dire que le Suédois s’est appliqué, tant dans les excellent riffs qu’il propose, que dans la manière d’avoir pensé et écrit ses titres. Le propos est suffisamment varié d’un titre à l’autre pour que l’on n’ait aucunement cette impression de monolithisme musical. Surtout que le tout est saupoudré de quelques influences à proprement parler plutôt epic metal, dans ce mélodisme poignant, comme ce passage au twin leads sur Var Blåser Vinden.


Si un souffle guerrier domine l’ensemble de cette oeuvre, il en émane quelque chose d’un peu morose, quelque chose de plus terni par les âges. Mais l’on y ressent aussi une part d’aigreur et d’anxiété qui se dévoilent au fur et à mesure des écoutes. En cela réside l’une des forces de ce A Song To Sorrow: il décline quelque chose de plus profond sur ces huit titres que ce que l’on aurait pu penser en le découvrant. Mais c’est surtout le fait que Cirkeln remette au goût du jour un black metal estampillé années mille neuf cent quatre vingt dix, et notamment cette fameuse scène suédoise, qui rend cette réalisation vraiment attachante. Nombre de ces titres n’auraient pas dépareillé s’ils étaient sortis il y a plus d’un quart de siècle, sans que l’idée de plagiat ne vienne à l’esprit à un seul moment. Et l’on retrouve ce même type d’ambiance et cette même aura à la fois mélodique et belliqueuse sur cette réalisation, quelque chose qui permet des puiser les ressources nécessaires pour se sortir de l’obscurité et être prêt à faire face aux plus grand défis qui s’interposent devant nous et de relever fièrement la tête. 



https://cirkeln.bandcamp.com/album/a-song-to-sorrow



A.Cieri

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