dimanche 26 mars 2023

Slumbering Sun - The Ever-living Fire

Autoproduction

24/02/2023



Un soleil endormi, voilà quelque chose de peu commun, surtout lorsque l’on choisit cette dénomination comme patronyme de groupe. Mais même si l’Astre diurne semble assoupi, l’on a toutefois besoin de son réconfort et de profiter de la chaleur de ses rayons, comme le suggère la pochette de ce premier album de Slumbering Sun. Si le groupe s’est formé il y a à peine un an, il comprend tout de même des musiciens expérimentés, qui ont déjà eu des expériences communes au sein de Destroyer of Light, Monte Luna et Venus Victrix. Autant dire qu’il n’y a rien de surprenant à ce que le quintet enregistre rapidement ce premier album, The Ever-Living Fire, haut en couleurs et démontrant d’une grande maîtrise du propos.


Si Slumbering Sun sonne clairement actuel, mais sans trop d’artifices modernes, il y a toutefois sur ces cinq titres quelque chose d’intemporel, signe d’une formation qui s’est nourrie de ses expériences et de ses multiples influences. L’on a ici une belle démonstration de doom metal, mais dans son acception flirtant avec le stoner. La crainte d’avoir un fan club d’Electric Wizard ou d’adorateurs de têtes d’ampli vintage avec un pedalboard hors de prix s’estompe très rapidement à l’écoute de cet album. Ici l’on sait composer des titres bien ficelés et qui prennent le temps de distiller leurs richesses et leurs surprises. L’on sait surtout proposer de très bons riffs, quelques arpèges poignants, et l’on est tout autant capable de très bien agrémenter ses compositions de très belles harmonisations, leads et soli de toute beauté. Et, cerise sur le gâteau, l’on retrouve souvent des leads jumelées, un savoir faire qui tend malheureusement à se perdre de nos jours. Au final, je retrouve un peu ici cet esprit qui animait les excellents Acrimony, malheureusement oubliés de nos jours, à la fin des années mille neuf cent quatre vingt dix. En tout cas, cette réalisation aurait très bien pu sortir il y a un quart de siècle, sans que cela ne soit choquant. 


Rien d’étonnant à cela, tant les Texans mettent en avant d’autres influences que celles à proprement parlées doom metal. Il y a en effet ici quelque chose qui nous rapproche du grunge, dans ce côté parfois bigger than life, proche d’un Pearl Jam période Ten, ou dans ce côté plus rock et même un peu plus mélancolique, où cela nous rapproche d’un Soundgarden ou d’un Alice In Chains. Cela se ressent sur les instants plus véloces de cet album, comme sur Liminal Bridges ou le titre éponyme, ou sur la première partie de Love In A Fallen World, plus maritime, avec ses parties de chant doublées. Justement, le chant, excellent, de James Clarke, avec sa tessiture de voix assez élastique et bien modulable, y est aussi pour une grande part dans cette impression. Il y a ainsi une coloration plus ambivalente dans la musique, entre le rouge flamboyant et lumineux qui irradie de nombreux passages, et d’autres plus cramoisis et rouillés. L’on navigue ainsi entre ces deux types d’ambiance, entre des moments emplis d’espoir et de poésie, comme si les rayons du soleil venaient irradier des coeurs meurtris, et d’autres plus emprunts d’une trame mélancolique, où un voile triste vient obscurcir les lueurs d’un Phébus déchiré par l’absence de l’être aimé. Des instants où peuvent poindre quelques notes de violon, et je ne peux m’empêcher de penser au Celestial Season, période Chrome et Lunchbox Dialogues. J’y retrouve cette même faculté à diriger nos regards vers les cieux tout en ayant les pieds bien ancrés sur terre, avec les yeux humides.


Si l’ensemble est assez rêveur, et même très beau par instant, il n’en demeure pas moins humain, avec ce petit côté déterministe, qui n’attend plus grand chose de ce monde et qui préfère tourner le soupirail vers le passé ou vers des chimères, ou bien encore, dans tous les cas, de trouver du réconfort ailleurs qu’ici bas. Cela nous donne des moments très poignants sur une bonne partie des compositions, avec cette faculté de faire monter l’intensité à l’instar de la seconde partie de Love In A Fallen World. Impossible de faire l’impasse sur ce Dream Snake, tout autant contemplateur que touchant et où toute l’excellence d’un James Clarke déchiré par tant de sentiments hétéroclites éclate clairement. C’est là où l'on se rend compte que les quelques effluves psychédéliques qui émaillent ces titres, prennent le plus souvent une tournure tantôt lascive, tantôt romanesque; l’on ne provient pas de la ville de 13th Floor Elevators pour rien. C’est même cela qui fait toute la beauté et la richesse de cette très belle réalisation. Il y a ici quelque chose tout à la fois réconfortant et apaisant, mais sans perdre de vue que par moment l’on peut être bouleversé par cette musique et ces paroles. Ce sont ces mêmes ressentis que l’on peut avoir lorsque l’on observe le lever du soleil après une longue nuit d’hiver. Lorsque l’on est partagé entre l’empreinte du temps qui passe avec la nostalgie qui en découle et l’espoir de jours heureux qu’annoncent le retour de la lumière. 


Si Slumbering Sun semble nous indiquer la voie vers la lumière, sans nous recommander de courir après comme le firent Trouble il y a longtemps, l’on ressent ici cette même emphase et cette même propension à délivrer une musique enrichie de moult expériences et qui prend clairement sens au fil des minutes, en nous faisant accepter de tomber pour mieux se relever. L’on a de quoi être assez songeur lorsque l’on fait état de toutes les qualités de ce premier album, tout aussi surprenant qu’obsédant et qui, s’il ne pourra pas nous faire oublier les vicissitudes d’un monde devenu fou, aura au moins le mérite de nous faire prendre un temps d’arrêt et de porter nos regards sur ce qui doit compter le plus. 



https://slumberingsun.bandcamp.com/album/the-ever-living-fire

A.Cieri

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